J'ai eu plusieurs remarques sur ce blog et lors des journées d'été sur mon analyse de la décroissance. J'en reprends quelques unes rapidement.
Première..... Je serai contre la spiritualité.. La réponse est non. Je suis pour ma part agnostique mais je respecte les croyances des individus (même si je les trouve parfois "incroyables") et je milite pour l'égalité dans la pratique des cultes (par exemple je suis pour qu'enfin se construise une vraie mosquée à Aix). Là où ça coince c'est lorsque la spiritualité est utilisée comme grille de lecture de l'organisation sociale et sort de sa place de croyance individuelle. C'est lorsque que la perte de spiritualité liée à la modernité est donnée comme étant la cause de la crise écologique actuelle. Goldsmith qui vient d'écrire les sentiers de l'écologie, Pierre rabhi, J Grinevald représentent très bien cette vision.
Je partage le constat fait par felix Guattari dans les trois écologies et par Cornélius Castoriadis dans La montée de l'insignifiance ou Max Weber tout simplement. Il y a désenchantement du monde. Il faut de nouveaux cadres de subjectivation. Mais pour moi il faut aller chercher ailleurs que chez Gandhi , Thoreau, St François d'Assise, le zen, Tariq Ramadan... pour construire une éthique progressiste. Le réenchantement ne passe pas forcement par le spirituel...
Deuxième.. Je jette le bébé avec l'eau du bain...on peut parler de décroissance et de développement durable en même temps. Je passe plusieurs pages de mon bouquin à expliquer pourquoi la décroissance pose des problèmes qui font débat..mais j'estime que le cadre général intellectuel de la décroissance est dangereux même chez les plus interessants des décroissants à cause de l'attaque du développement. On pourrait le résumer ainsi. Je suis (comme les verts d'ailleurs) pour la décroissance de l'empreinte écologique (selon comment on la définit) des sociétés. Façon incompréhensible pour les non initiés de dire que je pense qu'il faut réduire les prélèvements de ressources non renouvelables sur la terre pour une terre durable. IL faut pour cela changer de mode de production et de consommation. C'est en définitive la vision de Georgescu Roegen.(même si sa vision a un fond plus pessimiste vu sa conception de l'entropie) Mais je m'oppose viscéralement à la remise en cause du développement c'est à dire des mutations culturelles et sociales des sociétés modernes. (vision de Illich, Latouche...et de tous ceux dont la cible principale est le développement durable)
En clair je dénonce le coup de jarnac fait par les décroissants qui au nom d'une légitime question écologique répondre à la déplétion pétrolière et lutter contre le changement climatique attaquent une forme sociale ayant ouvert des droits humains inaltérables .
Troisième. Paul Ariès et Vincent Cheynet ne sont ils pas différents des autres décroissants. En clair le groupe décroissant n'est il pas très hétérogène ? Certes le comité de rédaction de la décroissance se réduit à vue d'oeil....et les Pierre Rabhi, HR Martin, J Grinevald,..ne sont plus que des soutiens..là où avant ils avaient une place centrale...mais cela suffit il ? Non une vraie rupture devrait consister en une disparition des personnes jugées "dangereuse" par V Cheynet et P Ariès eux même. Mais je ne crois pas cela possible car à mon avis Rabhi a le public, les fans (il fait salle comble partout) alors que V Cheynet et Ariès ont le média. Ce problème du public on le voit avec le PPLD qui n'a réunit que 65 membres lors de son AG et n'a pas publié un communiqué depuis.... Certes Vincent Cheynet a depuis quelques mois marqué son humanisme publiquement (on n'a pas dit qu'il l'était pas avant mais maintenant il le met en avant) et critiqué les faux amis, l'écoféminisme, le biorégionalisme (visiblement après la lecture de posts sur ce blog). C'est très bien. Certes Paul Ariès a écrit décroissance ou barbarie qui essaye d'échapper au Rhabisme de la décroissance (sans jamais le nommer ??). Ces efforts sont louables.. Mais ils ne vont pas assez loin. Et malgré de bonnes intentions n'arrivent pas à sortir de certaines structures rhétoriques. C'est ce que j'essaye d'expliquer dans mon bouquin. Je pense à l'assimilation du capitalisme à un totalitarisme, la défense d'un anti-économicisme primaire, l'anti-développementalisme systématique, le refus du progrès (en confondant progrès technique et social comme le fait Ellul) sont dangereux et même si on affiche en toute bonne foi de bonnes intentions humanistes on peut soutenir certaines rhetoriques dangereuses. Ce ne sont pas les hommes qui sont en cause mais les soubassements philosophiques... Je passe 200 pages à essayer de creuser cela.. vous lirez mon bouquin pour argumentation poussée. Bouquin qui au passage a déjà été crucifié par certains leaders décroissants alors qu'il leur est techniquement impossible de l'avoir lu..(sauf à être venu en cachette aux université d'été des Verts et d'Attac acheter les quelques exemplaires que j'y avais amené). Mais cela fait aussi partie d'un style pamphlétaire caractéristique.
En clair et c'est ce que j'ai dit chez les Verts et à Attac c'est que je comprends que certains découvrent l'écologie par la décroissance mais j'espère qu'ils en saisiront les dangers et que s'ils continuent à y adhérer ils réorienteront les postulats philosophiques.. et la dimension sociale et sociétale... Je pense que cela ne peut passer que par une réhabilitation du développement.