RAPPORT. La ville de Marseille (de droite) et le Conseil général des Bouches-du-Rhône (de gauche) achètent chaque saison des milliers de places à l’Olympique de Marseille pour voir des matches au Vélodrome. Les institutions les donnent ensuite majoritairement à leurs élus. Libre à eux de les distribuer comme bon leur semble, sans contrôle, de façon discrétionnaire. C’est ce que déplore la chambre régionale des comptes (CRC) de Provence-Alpes-Côte d’Azur, dans deux rapports d’observations définitives. Selon la CRC, le tribunal administratif pourrait annuler ces achats, comme il l'a fait à Lyon.
380 PLACES PAR MATCH POUR LA VILLE DE MARSEILLE
Depuis l’interdiction de subventionner des clubs pros édictée en 2000, la municipalité dirigée par Jean-Claude Gaudin (UMP) achète chaque saison 380 billets par match au stade Vélodrome, plus une loge de 18 places, plus des espaces publicitaires. Facture en 2006 : 762 240 euros.
Les billets sont censés aller à de jeunes Marseillais.
En fait, ils sont donnés aux élus (244 billets) et aux services municipaux (76 billets), « qui les distribuent librement et sans contrôle », note la CRC. Les associations n’en reçoivent directement que 32.
Or, remarque la CRC, le tribunal administratif de Lyon a annulé, en avril 2007, plusieurs délibérations du Conseil général du Rhône portant sur l’achat de places sportives, « au motif qu’elles ne prévoyaient pas une affectation des places à un usage déterminé ».
La CRC ajoute : « Selon le même raisonnement, la ville de Marseille, dont les délibérations n’ont pas défini la nature et l’étendue des besoins avant de procéder à l’achat des places, en méconnaissance des dispositions du code des marchés publics, encourt le risque de voir opposer à des dépenses ainsi engagées une insuffisance de justification de l’intérêt municipal. »
D'autre part, relève la CRC, la Ville a dépensé pour l’entretien du stade Vélodrome, de 2000 à 2006, 6,9 millions d’euros de plus que ce que le foot lui a rapporté en recettes.
Lire ici le rapport sur la Ville.
1 550 PLACES PAR MATCH POUR LE CONSEIL GÉNÉRAL DES BOUCHES-DU-RHÔNE
Dirigé par Jean-Noël Guérini (PS), le Conseil général est encore plus généreux que la Ville, achetant 1 550 places par match, lors des saisons 2000/2001 à 2002/2003.
En 2002/2003, l’institution départementale se procure, sur l’ensemble de la saison, 28 724 places, pour 533 125 euros.
La majeure partie est donnée aux élus : 21 485 places.
Les 7 279 places restantes sont distribuées à d’autres personnes (maires, clubs, associations, personnel du Conseil général).
Les associations n’en reçoivent directement que 2 703, soit moins de 10%.
En 2003/2004, l’achat monte à 41 095 places, pour 639 850 euros, avec toujours la même répartition, en majorité pour les élus.
Les achats baissent les années suivantes : 25 670 places en 2004/2005, 17 157 en 2005/2006.
Pour sa défense, le président du Conseil général assure, dans sa réponse à la CRC, que 90% des places vont finalement aux associations, "auxquelles les places sont remises par les élus dont le rôle naturel est de représenter la collectivité et assurer la promotion de son image et de ses actions".
« Les critères d’attribution des places sont peu transparents et il n’a été communiqué aucune information quant aux modalités éventuelles de contrôle de l’effectivité de leur attribution aux destinataires », déplore la CRC.
Là aussi, comme pour la ville de Marseille, il y a un risque, pour le Conseil général, de se voir reprocher, devant le tribunal administratif, « une insuffisance de justification de l’intérêt départemental », note la chambre.
Le Conseil général rétorque qu’il a modifié en 2007 sa délibération.
Mais la CRC n’est guère convaincue : « Cette délibération n’a toujours pas défini de règles précises à la distribution des places, qui demeure discrétionnaire », déplore la chambre.
"Afin de dissiper toute équivoque à ce sujet, je demanderai, pour la prochaine saison sportive, que chaque élu attributaire de places répertorie les associations auxquelles elles ont principalement bénéficié", indique Jean-Noël Guérini, dans sa lettre du 22 juillet 2008.
Lire ici le rapport sur le Conseil général.
MICHEL HENRY