Il faut le lire pour le croire.
Walter Bouvais Cofondateur et directeur de la publication de (...) |
Pourtant le débat sur la taxe écologique – qui privilégierait les produits verts et pénaliserait les autres – n’avance pas.
N.H. : Au contraire. Il y a quelque temps, cette solution était inenvisageable. A l’heure où nous parlons, des décideurs réfléchissent à basculer notre fiscalité, en taxant davantage les consommations impactant les ressources énergétiques ou naturelles et moins le travail. L’idée de cette taxe n’est pas encore admise, c’est vrai. Mais elle n’est plus écartée. En fait, la crise économique a pris tout le monde de court et c’est finalement sa seule vertu : elle nous fait douter de tout. Du coup, en France comme ailleurs, les esprits s’ouvrent à des idées nouvelles. Sur le sujet de la taxe écologique, je peux vous dire que nous avons des réunions au sommet de l’Etat.
Oui mais la baisse de la TVA pour les restaurateurs va bloquer toute avancée sur la fiscalité verte...
Comme chaque année, avril est marqué par la semaine du développement durable. Qu’en pensez-vous ?
N.H. : Tout cela est sympathique et nécessaire, mais insuffisant. Des responsables politiques ne pourraient pas dire cela. Mais c’est le rôle d’une ONG comme la nôtre. Par exemple, je déplore l’abus que l’on fait du terme « développement durable ». J’ai parfois l’impression qu’il ne s’agit plus que d’une camomille mielleuse destinée à nous faire ingérer nos excès. Quand j’entends qu’on veut installer un circuit de Formule 1 « durable » à proximité de Paris, j’ai un peu la nausée.
On se pince Monsieur shampooing non écolo et petit geste qui vend du temps de cerveau disponible...sur TF1..
Nous sommes passés en quelques mois d’une crise écologique à une crise économique et sociale. Comme si ces deux extrêmes étaient nos seules alternatives…
N.H. : Nos actions dépassent nos intentions. Notre système nous met dans l’obligation d’une croissance économique, financière et matérielle qui n’est pas tenable dans un monde physiquement clos et limité. On ne peut pas passer son temps à s’endetter pour rembourser la dette, au détriment des enjeux écologiques et sociaux. Il faut revoir le fonctionnement du système financier.
C’est-à-dire ?
N.H. : Le crédit doit devenir une forme de service public. Je ne suis pas contre le crédit mais je suis contre le fait que le dépôt d’argent profite toujours aux mêmes et jamais au plus grand nombre. Nous sommes ici dans une crise de la démocratie : le pouvoir est entre les mains d’intérêts financiers privés. Il ne s’agit pas de faire le procès du passé mais de changer les choses. Le crédit pourrait tout à fait relever des Etats (Il est comme ATTAC pour une nationalisation du système bancaire.. on se pince. On attend avec impatience qu'il le dise sur TF1..) et non plus d’entreprises privées. Bien sûr, la société a son temps d’évolution. Et aucun homme politique ne dirait qu’il faut remettre en cause le système monétaire international – c’est de cela dont il s’agit – car il serait moqué. Mais nous les ONG, qui avons notre liberté de parole, avons le devoir de brûler les étapes.
« Brûler les étapes » : est-ce le but de votre long-métrage Le Syndrome du Titanic ?
N.H. : Ce film sans concession est ma façon de franchir un cap. Le temps des écogestes est révolu. Enfin !!! Il faut fermer le ban et précipiter l’étape suivante. Le film part de ma conviction que les crises écologique, alimentaire, énergétique et financière, qui se combinent pour former une crise systémique, ont une seule et même origine : une profonde crise culturelle. Le tour de passe passe est là. Comme nombre d'écologistes décroissant s aujourd'hui..Hulot avance que c'est une crise culturelle , morale, occidentale et non une crise du capitalisme. Transformer en question identitaire, métaphysique les problèmes économiques et sociaux. Un classique pour noyer le poisson.
Le plus petit dénominateur commun de ces crises est notre incapacité chronique à nous fixer des limites, c’est-à-dire notre goût absolu pour la démesure. C'est donc un peu notre faute. Revoilà ces conneries de thèses sur la perte du sens des limites. La porte d'entrée dans les discours conservateurs. Voire l'horrible livre de JP Lebrun qui inspire tout ce petit monde de l'écologie. Et nous annonce un retour du souffle glacé du moralisme. Voir un rapide commentaire http://cyril-dimeo.over-blog.com/article-6736471.html link lL n’y a pas besoin d’être prix Nobel d’économie pour le comprendre. Quel mépris. pourquoi se poser trop de questions sur la crise..c'est un problème culturel on vous l'a dit. Par ailleurs, les changements que nous faisons dans nos modes de vie relèvent de l’épaisseur du trait. J'abandonne donc ma fondation Hulot et décide de créer un parti politique..euhhh non je déconne. Ils ne sont pas à l’échelle des enjeux. Ce qui est en cause, c’est bel et bien notre système économique. Les recettes du passé ne fonctionnent plus. Pire, elles sont les poisons d’aujourd’hui.
Le propos de votre film semble donc bien davantage économique et sociétal qu’écologique…
N.H. : La crise écologique est là. On ne peut plus le nier et ceux qui ne veulent pas recevoir cet argument-là aujourd’hui ne le recevront pas plus demain. Partant de là, mon propos n’est pas de faire le énième film environnemental. Ce qui m’intéresse c’est la suite : ce qui est en cause, de façon positive et négative, ce sont nos modes de production et de consommation individuels. Youpee il a découvert l'écologie politique. Nous assistons à une forme de déni, car l’évidence nous gêne : soit on subit les changements, parce que la nature ne nous demandera pas notre avis et parce qu’elle a déjà entamé une forme de « régulation » ; soit on décide de prendre la main et on anticipe les problèmes. Mais alors, nous devons changer radicalement. Cela ne compromettra ni le fonctionnement de notre monde ni notre bien-être. Mais nous devons agir dans un délai très court. Il faut faire sauter les verrous culturels du nationalisme, du positivisme (En quoi la science est responsable de tout ça ??? ) et de la confiance absolue dans la science et les technologies.
Qui sont les hommes et les femmes capables d’inventer la nouvelle civilisation que vous appelez de vos vœux ?
N.H. : Les solutions ne sortiront pas des moules habituels. Elles ne viendront pas de ceux qui sont obsédés par une croissance économique qui ne vaut que pour elle-même. Il faut chercher ailleurs. C’est cette curiosité qui doit animer nos décideurs. Les personnes qui réfléchissent et qui vont loin ne manquent pas. Tenez, je vois sur mon bureau quelques auteurs qui m’ont inspiré récemment : Richard Heinberg, Thomas d’Ansembourg, François Flahaut, Patrick Viveret, Bernard Lietaer, Hervé Kempf…
Quel regard portez-vous sur le Grenelle de l’environnement ?
N.H. : Je suis heureux de voir ce qui se passe dans notre pays. C'est pas un peu en contradiction avec ce qui est dit au dessus ?
Mais il va falloir brûler les étapes suivantes Sans rejeter trop de carbone lol car si nous n’avons pas de réponse à la hauteur de l’emballement, je crains que cela ne suffise pas. L’élection de Barack Obama me donne un grand espoir. Mais notre rôle, en tant qu’ONG, à quelques mois de la conférence sur le climat de Copenhague, ne se limitera certainement pas à faire des propositions gentillettes. Ce qui était donc dle cas avant..bel aveu
N’est-il pas contradictoire de prôner d’une part un changement de modèle, comme vous le faites, et d’autre part de travailler pour une chaîne de télévision pas uniquement réputée pour ses programmes éducatifs ?
N.H. : Est-ce que le fait de produire les émissions Ushaïa pour TF1 contraint ma parole ? Non. Dans ce film, auquel TF1 participe, je n’ai pas changé un mot, pas une image. J’essaie d’appliquer la théorie du cheval de Troie. On doit combattre le système de l’intérieur, comme de l’éxtérieur. (C'est donc ça..une guerilla interne ) Quand une entreprise comme TF1 donne des millions d’euros d’espaces publicitaires à une fondation comme la mienne, je suis ravi. (ça c'est un vrai argument pour dire que TF1 est écolo..l a vente de produits dérivés n'a rien à voir là dedans. ET puis depuis qu'il prône la nationalisation du système bancaire sur TF 1 il n'a eu aucun souci ) Je pense que vous pouvez nous être gré d’avoir, avec la Fondation, fait bouger les lignes. Si le fait de travailler pour TF1 m’empêchait de m’exprimer, je reverrais ma position. Ma liberté de parole n’est pas inféodée. Dans mon long-métrage, je remets en cause une certaine forme de télévision. J’essaie d’utiliser ce qui peut apparaître comme une forme de handicap. A TF1 il y a la logique d’un système dont je ne suis pas ignorant, mais il y a aussi des hommes et des femmes sur lesquels on peut compter. C’est ma stratégie. Elle a ses limites. Mais je n’ai qu’une règle : jamais ma liberté de parole ne peut être limitée. J’ai cete chance – et je n’en tire d’ailleurs aucun orgueil – de ne pas avoir besoin de TF1 ni pour vivre, ni pour exister.