Publié le jeudi 5 février 2009 à 18H46
Menacé de devoir payer un dédit de 500 millions d'euros, Eugène Caselli a décidé de mettre en service la partie incinération de l'usine de Fos. Un choix d'ores et déjà très décrié
À Fos, le chantier de l'incinérateur avance. Il devrait être mis en service courant 2010.
Photo Serge Guéroult
Nouveau rebondissement dans le long feuilleton de l'usine de traitement des déchets que la communauté urbaine Marseille Provence Métropole fait actuellement construire à Fos-sur-Mer : Eugène Caselli, le président PS de MPM, vient de décider de mettre en service la partie incinération, courant 2010. Interrogé par La Provence, celui qui a succédé en avril dernier à Jean-Claude Gaudin (le maire UMP de Marseille qui a lancé le projet), se justifie : "Je n'ai pas choisi l'incinération, ni ce projet. Nous allons néanmoins arriver à diminuer la part de l'incinération et à augmenter la méthanisation. Nous arriverons à 53 % pour l'incinération et 47 % pour la méthanisation. Je gère en fonction des circonstances".
Pour expliquer cette décision, Eugène Caselli (PS) s'appuie sur un audit qu'il a lancé au lendemain de son élection. Ce document vient d'être présenté à des élus, dont les 18 maires de MPM, lors de réunions internes. L'audit préconise la mise en service de la partie incinération, la méthanisation étant toutefois portée à 50 % des déchets traités. L'audit défend cette solution par l'avancée du chantier et par le dédit que MPM devrait verser en cas d'arrêt du projet : ce dédit est estimé à 500 millions d'euros, qui reviendraient à la société chargée de construire l'usine. Ces informations confirment celles publiées par La Provence dès le mois de novembre dernier, sur la base du pré-audit, puis courant janvier.
Deux délibérations devraient être votées lors de la séance plénière de MPM, le 19 février, afin de relancer une nouvelle délégation de service public et de modifier le contrat passé avec la société chargée de la construction et de l'exploitation, Urbaser Valorga. D'ici là, Eugène Caselli doit rencontrer ce lundi 9 février les maires de l'étang de Berre. Le lendemain, une conférence de presse est prévue à Marseille.
Cette décision de la nouvelle majorité promet d'être très critiquée, particulièrement par les maires de l'ouest de l'étang de Berre et par les associations de défense de l'environnement. D'autant que ces dernières années, la gauche marseillaise s'est toujours opposée au projet d'incinérateur porté par l'équipe Gaudin. Une position qui n'a pas résisté au principe de réalité...
Les réactions
René Raimondi, maire PS de Fos-sur-Mer : "Cette décision est inacceptable. Je n'ai pas changé d'avis. Je suis toujours contre cet incinérateur. Et qu'on nie maintenant tous les problèmes de santé, ça me choque vraiment".
Eric Diard, député-maire UMP de Sausset-les-Pins: "C'est logique. C'est bien de renforcer la partie méthanisation, et cela va dans le sens du futur "Grenelle 2" de l'environnement. Maintenant, on ne peut pas faire du tout méthanisation, c'est techniquement impossible. Et les nouvelles unités d'incinération, dont celles-ci, ont des performances remarquables."
Christophe Madrolle, conseiller communautaire MPM et responsable national du MoDem : "Nous comprenons la question des 500 millions d'euros de dédit en cas de rupture de contrat, mais nous nous opposerons à cette délibération, parce que nous avons pris des engagements vis à vis des associations et des citoyens. Nous demandons un moratoire de six mois, afin de développer le tri sélectif. Après, on verra comment on fournit ou pas l'incinérateur et dans quelles quantités. Il faut aller sur une vraie politique de valorisation des déchets ! Toutefois, ce vote ne remet pas en cause la majorité composée autour d'Eugène Caselli. Sur ce dossier, il est dans une situation difficile. Il hérite d'une situation qui a été gérée de manière très compliquée par Jean-Claude Gaudin et Robert Assante, l'élu UMP qui était chargé du dossier des déchets. Simplement, la majorité qui gère aujourd'hui MPM est plurielle, elle va donc s'exprimer de manière plurielle".
La décision de MPM d'incinérer une partie de ses déchets est très décriée. Des associations dénoncent des "risques pour la santé"
Sur le site du Port autonome, le chantier du futur incinérateur avance à grands pas...
© archives Serge Guéroult
Sans surprise, la température est montée à l'ouest de l'étang de Berre après le choix de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole de mettre en service la partie incinération de l'usine de traitement des déchets actuellement en cours de construction entre Fos-sur-Mer et Port-Saint-Louis. Ce matin, René Raimondi, le maire socialiste de Fos, a redit devant les conseillers généraux des Bouches-du-Rhône qu'il n'entendait pas transiger en matière de santé. Farouche opposant à l'incinération, il fera tout pour empêcher l'usine de MPM de développer ce procédé sur le territoire de sa commune.
Lundi, il sera reçu à Marseille avec Bernard Granié, le président PS de Ouest Provence, par Eugène Caselli (PS), qui dirige MPM depuis avril dernier. "Mais on sait déjà ce que l'on va nous dire : que tout le monde est contre l'incinérateur mais qu'on le fera fonctionner tout de même", avance René Raimondi, ironique. Il se présentera donc avec "des contre-propositions". Toutefois, l'élu fosséen ne se fait aucune illusion. D'ores et déjà, il a prévu d'organiser une réunion publique le vendredi 13 février à 18h30 à la halle Parsemain de Fos, afin d'"expliquer notre position et celle de MPM".
Président de Ouest Provence, Bernard Granié est tout aussi déterminé, bien qu'il assure se rendre à la rencontre avec Eugène Caselli "dans un bon état d'esprit" : "Je note que MPM a déjà décidé d'augmenter la part de la méthanisation à 50%. Mais ça ne reste pas suffisant. Nous prônons toujours le 100% méthanisation et l'absence d'incinération".
Parmi les associations de défense de l'environnement, d'autres voix se sont élevées aujourd'hui pour condamner la mise en service future de l'incinérateur de Fos. Ainsi celle du docteur Patrice Halimi, cofondateur de l'Association santé environnement France (Asef), qui fait état des conséquences sanitaires inquiétantes : "Toutes les études de l'Institut national de veille sanitaire concluent à une augmentation des cancers chez les populations, qui se trouvent sous le panache des usines d'incinération. L'impact a été estimé à 40 kilomètres autour des sites d'incinération avec une augmentation des cancers du sang (leucémie et lymphomes), des cancers du sein et du pancréas. C'est le cocktail de trois émissions qui fait le danger. Alors quand on explique que le taux d'émissions de dioxines est moindre sur les nouvelles installations, cela ne suffit pas. Il faut aussi prendre en compte les rejets de microparticules, de métaux lourds (mercure et chrome) et de dioxyde de soufre".
A l'opposé de ces critiques, Urbaser Valorga, la société qui construit actuellement l'usine de traitement, se félicite de la nouvelle position de MPM : "Ce n'est pas encore une décision, elle doit être votée, mais ça va dans le sens de la poursuite du chantier". Concernant le choix de réduire la partie incinération au bénéfice de la méthanisation, Urbaser estime qu'il est "difficile de modifier les capacités de l'incinérateur et de l'unité de méthanisation", le chantier étant trop avancé. Pour respecter les nouvelles indications de MPM, tout se jouera en fait sur la qualité et la quantité des déchets fournis : "Un tri sélectif plus efficace, cela veut dire moins de déchets à incinérer".
D'ores et déjà, des discussions ont été ouvertes entre MPM et Urbaser en vue de renégocier les contrats, afin de redéfinir les tonnages à traiter. Selon Urbaser, l'usine de Fos sera livrée cet automne. Du côté de la communauté urbaine, on estime en revanche qu'elle ne pourra pas fonctionner avant "mars 2010". D'ici là, les déchets seront toujours envoyés à Entressen.
Plus d'information demain dans La Provence